L'influence de l'Antiquité

L’influence de l’Antiquité

 

Dans cet article, nous allons essayer de comprendre pourquoi l’Antiquité, essentiellement gréco-romaine, a eu une postérité aussi importante dans les arts comme dans la philosophie. Pour éviter un article trop conséquent, je me contenterai de survoler la partie philosophie politique, mais je vous invite à approfondir la question si elle vous intéresse, car elle est passionnante.

 

Allez, je vous emmène.

 

 

Je l’ai évoqué dans un article antérieur, l’Antiquité a été prise comme modèle dès le Moyen-âge. Mais si, vous savez, avec Charlemagne qui souhaitait (et parviendra à) restaurer le titre d’empereur et faire de son domaine, Aix-la-Chapelle, une nouvelle Rome. Pour autant lorsque l’on évoque l’Antiquité, on ne peut s’empêcher de penser à la Renaissance démarrée vers le XIVème siècle, appelée aussi l’époque Classique. Ce qu’il faut bien avoir en tête, c’est que l’Antiquité apparaît à l’Epoque comme un idéal, du point de vue artistique, architectural, mais aussi politique (je reviendrai sur chacun de ces points plus en détails). Cette vision idéalisée de l’Antiquité est à l’Epoque Classique accentuée par l’idée selon laquelle le Moyen-âge est une période de troubles, de guerres et d’obscurantisme. En bref, une période à oublier.

La Renaissance reprendra de nombreux thèmes issus de l’Antiquité, et cet attrait pour cette période s’explique aussi par un contexte « géo-philosophique » : en effet, vers les XVème et XVIème siècles, plusieurs philosophes du Moyen-Orient voyagent jusqu’en Italie, apportant avec eux des manuscrits trouvés notamment dans ce qui était autrefois la Bibliothèque d’Alexandrie. Et, je vous le donne en mille, dans ces ouvrages, il y avait…une collection de manuscrits de philosophes grecs, comme Platon, Euclide ou Aristote. La découverte de ces écrits, couplée aux redécouvertes de créations antiques (sculptures, bâtiments, fresques) va réellement développer cet intérêt pour l’Antiquité.

Parmi les thèmes tirés de l’antique, on retrouvera notamment des représentations des dieux ou encore des passages tirés de la mythologie ou de la Guerre de Troie. Petit aparté pour dire que la Guerre de Troie est un récit bien pratique pour les artistes, car, bien que cette guerre ait réellement eu lieu (vers 1250 av.J-C), les récits d’Homère la concernant fourmillent d’interventions divines et d’évènements surnaturels, faisant ainsi de cette guerre à la fois un récit historique et un récit mythologique.

Tableau de Léda et le Cygne, copie d'un original de Léonard de Vinci aujourd'hui perdu, réalisé par Cesaro da Sesto au XVIème siècle et conservé à la Galerie Borghèse de Rome © Wikimedia Commons. Ce tableau est une représentations des amours de Jupiter, ici métamorphosé en cygne pour séduire la princesse Léda.


Héphaïstos forgeant l'armure d'Achille, fresque réalisée par Giulio Romano au XVIème siècle © Alamy Images. Cet épisode, en plus de représenter des divinités, s'inscrit dans le récit de la Guerre de Troie.

En ce qui concerne l’architecture, les artistes de la Renaissance reprendront évidemment tout ce qui concerne l’élévation des bâtiments, c’est-à-dire les colonnes (doriques, ioniques, corinthiennes), les frises, les entablements, etc…, mais également la forme et le plan de certains édifices datant de l’Antiquité, comme les tholos ou le panthéon de Rome. Les tholos étaient des temples circulaires de dimensions réduites, utilisés à des fins cultuelles. À noter néanmoins que la plupart des tholos n’étaient pas connus à l’Époque Classique et n’ont été découverts qu’aux XVIIIème et XIXème siècles. Les artistes de la Renaissance avaient connaissance de la plupart des constructions antiques grâce aux écrits de Vitruve. Ce dernier, à l’origine de la différenciation entre les ordres architecturaux, a été repris par un architecte et théoricien extrêmement important pour toute la production artistique de la Renaissance : Léon Battista Alberti (1404-1472). Il rédigera des ouvrages sur chaque art, à savoir l’architecture (De re aedificatoria, 1452), la peinture (De Pictura, 1435) et la sculpture (De Statua, 1464). Dans ces ouvrages, il reprend et compile les références et les réflexions des artistes de la Grèce antique tout en les réactualisant.

De son côté, le Panthéon de Rome, élevé vers le Ier siècle av.J-C, est important à retenir car il faisait partie des rares bâtiments observables par les artistes de l’Époque Classique, et, surtout, il avait un point commun avec les tholos : il est de plan centré (sans compter la colonnade d’entrée, appelée pronaos). Le plan centré, hérité de l’Antiquité, devient incontournable à la Renaissance, et ce pour des raisons, là encore, philosophiques. On l’a dit, les penseurs du XVème siècle ont découvert les ouvrages des philosophes grecs. Cet engouement pour la pensée antique va donner naissance à un nouveau courant philosophique : le Néo-platonisme. Inspiré par la pensée de Platon, ce courant place l’Homme au centre de tout (auparavant, Dieu occupait cette position avec la suprématie de la religion). Ce nouveau courant va notamment se développer à Florence et dans ses environs avec ce qu’on appellera plus tard le « cercle néo-platonicien de Careggi ». Porté par Laurent « le Magnifique » de Médicis, il se composera notamment de Marsile Ficin, important traducteur de Platon, mais aussi d'Ange Politien ou encore de Pic de la Mirandole, ces deux derniers grands intellectuels de la Renaissance (je les note aussi parce que les noms valent le détour !). Parce que le néo-platonisme place l’homme au centre, le plan circulaire et plus largement le plan centré devient synonyme de perfection. Cette philosophie se trouve parfaitement illustrée par le célèbre Homme de Vitruve, dessiné par Léonard de Vinci à la fin du XVème siècle, et se retrouve dans l’architecture dans l’utilisation de coupoles et de dômes, mais surtout par la création de tempietto, directement inspirés par les tholos antiques.


Façade du Panthéon de Rome, élevé au Ier siècle av.J-C © Romesite


Façade principale du tempietto San Pietro in Montorio à Rome, réalisé par Bramante entre 1502 et 1510 © Wikimedia Commons. La forme du tempietto est directement inspirée de celle des tholos antiques.



L'Homme de Vitruve, réalisé par Léonard de Vinci à la fin du XVème siècle © Wikimedia Commons.


La sculpture n’est pas en reste, puisque nombre de créations antiques sont déjà connues au XVème siècle. Il est fondamental d’avoir à l’esprit que la plupart des statues réalisées par les Grecs étaient en bronze. Les statues en marbre sont pour la plupart des copies romaines d’originaux grecs en bronze (mais des exceptions, comme la Victoire de Samothrace, existent). A l’Epoque Classique, les artistes reprendront la majorité du temps des thèmes antiques comme les représentations de dieux ou de personnages mythologiques.


Cupidon dormant, réalisé par Giovanni Battista Bellandi au XVIème siècle d'après une sculpture de Michel-Ange disparue. © Auction. Une anecdote rapporte que la maîtrise de l'antique de la part de Michel-Ange était telle, que plusieurs collectionneurs de la Renaissance ayant récupéré le cupidon pensaient qu'il s'agissait d'un original antique.

Petit point sur un bâtiment redécouvert lui aussi au XVème siècle et qui marquera profondément des artistes comme Michel-Ange ou Raphaël : la Domus Aurea (« maison dorée »). Construite au Ier siècle ap.J-C pour l’empereur Néron, cette domus représente la quintessence de l’art antique, avec des fresques miraculeusement conservées et des groupes statuaires fondamentaux pour l’art du XVIème siècle, à l’image du Laocoon et ses fils, datant de 40 av.J-C, lui aussi copie en marbre d’un original grec aujourd’hui disparu, et qui servira de modèles à plusieurs réinterprétations.

A la Renaissance, je l’évoquais précédemment, la politique s’inspirera également de la philosophie antique. En effet, il est aujourd’hui reconnu que la démocratie s’est développée en premier dans la Grèce antique. Aux XVIème et XVIIème siècles, les tensions géopolitiques et les conflits religieux, accentués par les pouvoirs absolus en place, créent une nostalgie du modèle antique et du fonctionnement démocratique. Dans l’Antiquité, et notamment dans les textes d’Aristote, il apparaît que le terme d’individu ne prend sens qu’au sein de la cité, ce qui fait de lui un « citoyen ». L’Homme n'est jamais envisagé selon ses intérêts personnels, mais toujours selon l’intérêt commun. Des penseurs du XVIIème siècle, comme Hugo « Grotius » de Groot ou Thomas Hobbes chercheront à recréer un modèle de société viable, en se basant plus (Grotius) ou moins (Hobbes) sur le fonctionnement antique et l’idée de société comme entité unitaire, composée de citoyens.

Pour terminer notre court tour d’horizon de l’influence de l’Antiquité, nous allons encore faire un bond dans le temps pour atterrir vers la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècle, à l’aune d’un nouveau mouvement : le Néo-Classicisme. Si le « Classicisme » renvoit à l’art de la Renaissance, le néo-classicisme correspond quant à lui à une tendance stylistique qui va se développer grossièrement entre 1780 et 1840 et qui a pour caractéristique de reprendre des thèmes et des codes issus de la Renaissance et de l’Antiquité gréco-romaine. Cela se traduit par des bâtiments massifs reprenant eux aussi le vocabulaire antiquisant des colonnes et des ornementations. Nouveauté : les différents types d’élévations (colonnades, entablements, piliers, décorations) sont désormais associés à des programmes architecturaux précis, et ce fonctionnement est toujours en vigueur aujourd’hui. Ne vous-êtes vous jamais demandé pourquoi 9 palais de justice sur 10 que vous croisiez arboraient une colonnade plus ou moins imposante, placée en saillie par rapport au reste du bâtiment ? Ou encore pourquoi certains musées s’employaient à présenter une très longue colonnade pour le coup, à l’image de celle du Louvre réalisée par l’architecte Perrault au XVIIème siècle ? Tous ces éléments ont été associés à un type de réalisation, le plus souvent pour des raisons symboliques : la colonnade en saillie, ou tout du moins monumentale, des palais de justice doit inspirer le respect, voire provoquer un sentiment de petitesse et de crainte chez celui qui s’y rend (souvent parce qu’il risque d’y passer un sale quart d’heure). Au contraire, les grandes colonnades de musées créent un effet d’ouverture, puisqu’il est possible de voir le bâtiment derrière ces dernières, et même parfois l’intérieur. Cela incite la personne à s’y rendre, lui indiquant inconsciemment que c’est un lieu dans lequel elle a le droit de rentrer car il est ouvert et accessible. En peinture, on retrouve également un mouvement néo-classique, caractérisé par des représentations d’évènements souvent historico-mythologiques, avec une recherche dans la composition du tableau et dans les proportions du corps. Les personnages sont idéalisés et l’œuvre est extrêmement lisible.

 

Le Serment des Horaces par Jacques-Louis David, réalisé en 1785. © Wikimedia Commons. Le tableau représente un épisode de l'histoire romaine, précédant l'affrontement de deux cités : les horaces et les curiaces. Ce sont ici les champions horaces qui sont représentés.


Façade du Palais de Justice de Paris, réalisée au XIXème siècle © Wikimedia Commons




Résumé du développement :

L’Antiquité a réellement marqué un tournant dans l’histoire de l’Art, représentant pour les artistes comme pour les philosophes postérieurs une forme d’idéal duquel se rapprocher. Cette période apparaît alors comme un Age d’or, effet accentué par la comparaison avec la période suivante qu’est le Moyen-âge, perçu à tort comme un passage sombre de l’histoire. Il faudra attendre le XIXème siècle pour que, avec le développement des sociétés d’archéologies et une remise en cause des pensées en place, le Moyen-âge commence à être étudié. Il résultera d’ailleurs de cette remise en perspective un autre mouvement artistique, aussi bien architectural que littéraire, du XIXème siècle : le néo-gothique, avec, pour ne citer qu’eux, Viollet-le-Duc à la guitare et Oscar Wilde à la batterie.

Merci d'être resté(e) jusqu'à la fin de cet article, qui, je l’espère, vous aura plu,

On se retrouve dans le prochain (si ça vous dit) !

 

Il était une fois...l'Art

 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les bornes chronologiques, un réel défi

La copie et l'enluminure dans le haut Moyen-âge

L'inspiration