La Renovatio Imperii
Et si la Renaissance italienne
n’était pas la première ?
Dans
cet humble article, nous allons nous intéresser au sujet de la Renaissance,
mais probablement pas celle à laquelle vous pensez en premier : on va
parler de Charlemagne et de la Renovatio Imperii.
Allez,
je vous emmène.
Premièrement,
qu’est-ce que l’on entend par « Renaissance » ? Renaissance de
quoi ? De qui ? Comment ?
Le
terme de Renaissance, dans l’histoire et l’histoire de l’Art, a été employé pour la première fois au XIXème siècle par l'historien Jules Michelet et renvoie à une
reprise de modèles passés, parfois oubliés pendant une certaine période ou
jugés inintéressants, dans le but de renouer avec un fonctionnement global
associé à une période. Je m’explique. Une Renaissance dans l’Art, c’est
simplement la volonté d’un retour à une pensée, à un savoir passé. Une
Renaissance peut toucher des domaines assez variés, comme l’Art, bien sûr, mais
aussi la philosophie, l’ingénierie, la religion, la politique ou encore le
modèle militaire.
Quand
on parle aujourd’hui de la Renaissance, on parle d’une période historique
précise située entre le XIVème siècle et la fin XVIème-début XVIIème siècle
selon les sources. Cette période est également réduite à une aire géographique
particulière, englobant les pays actuels que sont l’Italie, l’Allemagne, les
Pays-Bas, la France, l’Espagne, le Portugal et la Hongrie essentiellement, soit
l’Europe centrale et une partie de l’Europe orientale. Développée d’abord en
Italie à partir du XIIIème-XIVème siècle, cette Renaissance va se diffuser
progressivement dans tout ce territoire durant les trois siècles suivants.
La
Renaissance se caractérise dans ce cas-là par un retour aux modèles antiques.
Il faut entendre par là que les artistes reprennent des thèmes de l’Antiquité,
concernant notamment la mythologie, mais ils s’inspirent aussi des
constructions antiques et de la philosophie de l’époque. Même sans être un
spécialiste mondialement reconnu dans l’histoire de l’Art, on a probablement
tous déjà entendu parler de cette période, avec des noms qui nous sont pour
certains très familiers, comme Léonard de Vinci, Sandro Botticelli ou encore
Michel-Ange.
Mais
saviez-vous que cette Renaissance n’était en réalité non seulement pas la
seule, mais surtout pas la première ?
En
effet, un fort intérêt pour l’Antiquité est déjà notable dès le VIIIème siècle
en Europe, avec l’avènement de la dynastie carolingienne, et cette renaissance,
on la doit à un certain Charlemagne. Ce dirigeant, que l’on connaît tous au
moins pour avoir « inventé » l’école dans la chanson de France Gall
(ce qui, au passage, est complètement faux puisqu’un modèle ‘’scolaire’’
existait déjà durant l’Antiquité justement). Cette renaissance entamée par
Charlemagne est appelée la « Renovatio Imperii » (renaissance
de l’empire, en référence aux empereurs romains).
On
ne peut évoquer Charlemagne sans faire un minimum d’histoire : arrivé au
pouvoir en 768, ce dernier règne dans un premier temps sur un territoire
correspondant grossièrement à la France actuelle et à la partie ouest de
l’Allemagne. Mais ce dernier n’aura de cesse de vouloir étendre son royaume
toujours plus loin. En 800, il est sacré empereur par le pape Léon III à Rome,
et son règne en tant qu’empereur ne s’achèvera qu’à sa mort, en 814. Entre
temps, le nouvel empereur aura conquis l’Allemagne de l’est et le nord de
l’Italie (la Lombardie). De plus, une partie des actuels Balkans était rattachée à son empire tout en
gardant une certaine indépendance : c’est ce que l’on appelle des états
vassaux. Le fait même que Charlemagne se fasse sacrer empereur est un renvoi
direct à l’empire romain. Charlemagne se présente ainsi comme leur héritier.
Carte
de l’expansion du royaume franc selon les périodes (https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/moyen-age-empire-charlemagne-jusquou-etendait-il-5543/) © Futura Sciences
Mais
en plus d’être un grand chef militaire, Charlemagne était aussi un intellectuel
et se passionnait pour la période antique. Il parlait le latin, comprenait le
grec, s’intéressait aux différents arts et était entouré d’un cercle de
penseurs et de philosophes qui lui enseignaient et discutaient avec lui la
pensée des esprits de l’Antiquité. Mais l’empereur ne s’arrête pas là : il
souhaite que sa demeure impériale soit une « nouvelle Athènes/Rome »
d’un point de vue architectural. Le complexe palatial d’Aix-la-Chapelle est
ainsi fortement influencé, autant dans son architecture que dans sa conception,
par les créations grecques : aux traditionnels salle du trône,
appartements impériaux et chapelle privée, s’ajoute un ensemble de thermes par
exemple, construit à proximité immédiate de sources d’eaux chaudes.
L’architecture
y est aussi antiquisante à souhait : usage de colonnes en marbre, de
mosaïques (renvoyant cette fois à l’art byzantin), d’arcs en plein cintre, de
piliers… A noter également que le plan au sol de cette chapelle est octogonal.
Ce type de plan est essentiellement rattaché aux baptistères (lieu où on
baptise les catéchumènes), ce qui accentue ce double lien Antiquité/Religion
Vue intérieure de la
chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle, datant du VIIIème-IXème siècle.
Photographie réalisée par Willy Horsch en Septembre 2014
©
Wikimedia Commons
Mais
cette renaissance est aussi et avant tout religieuse et politique :
Charlemagne souhaite revenir à une culture latine et chrétienne, comme c’était
le cas vers la fin de l’Antiquité (en 315, l’empereur romain Constantin se
convertit au christianisme et rédige un édit mettant un terme aux persécutions
contre les chrétiens. A partir de là, le christianisme deviendra la religion
principale.) Ainsi, la religion et la politique entretiennent des liens
importants et Charlemagne se place comme le messager de Dieu, supposé conduire
son peuple vers le Salut, ce qui passe par l’annexion des territoires
environnants et la construction de centaines de bâtiments religieux (églises,
baptistères, chapelles…). De plus, l’empereur voit comme primordiale la bonne
éducation du Clergé, pour que celui-ci transmette par la suite les bonnes
doctrines : ceci explique la très
grande production de manuscrits, pour beaucoup enluminés.
Gravure du XVIIème
siècle réalisée par Michel Germain et Achille Peigné-Delacourt pour l’ouvrage
Monasticon Gallicanum (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9080819c/f1.item)
©
Wikimedia Commons
Bien
que d’un abord complexe, ce point est loin d’être anecdotique, puisqu’il montre
comment une évolution en apparence minime des pratiques changent en réalité la
totalité d’un bâtiment.
Résumé
du développement :
Quand
on parle de la Renaissance, on parle d’une période historique située entre le
XIIIème-XIVème siècle et le XVIème-XVIIème siècle, qui débute en Italie et qui
se développe en Europe, en prônant un retour à l’antique généralisé (arts,
philosophies, ingénierie, éducation…). Mais cette renaissance, bien que la plus
connue, ne représente pas le premier retour à la culture antique
gréco-romaine : cinq siècles auparavant, les carolingiens, Charlemagne en
tête, développe la « Renovatio Imperii », avec pour volonté de
reprendre la pensée des philosophes antiques et de rapprocher religion et
politique.
Merci d'être resté(e) jusqu'à la fin,
On se retrouve dans le prochain article (j'espère) !
Il était une fois...l'Art
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